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Tribunal des médias : qui sont les vrai·e·s méchant·e·s de la pop culture ?

De nos jours, plus besoin de pouvoirs maléfiques pour être considéré·e comme un ou une méchante. Quand on est connu·e, quelques actes discutables suffisent pour être la cible de vives critiques. Pour certain·e·s d’entre nous, rien de plus facile que de pointer du doigt les erreurs d’une célébrité, c’est même parfois amusant ! Mais est-on vraiment en droit d’émettre un jugement ?

Quand on voit Logan Paul, on se dit que certaines stars sont nées pour être des méchant·e·s. Ses vidéos ont toujours posé problème : on le voit sauter dans un canal à Venise ou jeter des pokéballs géantes sur un employé de restaurant à Tokyo. À ce jour, sa plus grande polémique reste probablement la vidéo dans laquelle il pose devant un corps, dans la tristement célèbre forêt des suicides au Japon. Il semblerait que Logan Paul ait joyeusement adopté le rôle de méchant il y a déjà longtemps.

 

Image avec la permission de New York Times.

Les scandales médiatiques de Kim Kardashian ont souvent pris des proportions démesurées. Rappelez-vous quand elle a promu des sucettes coupe-faim ou, plus récemment, quand elle a sorti sa marque de lingerie “Kimono”. Il s’agissait d’une gamme de sous-vêtements moulants destinés à mettre les formes en valeur. Pas vraiment ce à quoi on s’attend quand on pense aux traditionnels et élégants kimono japonais. L’annonce de ce nom sur les réseaux sociaux s’est traduite par de violentes critiques de la part de personnes de toutes origines, dénonçant une appropriation culturelle. Le hashtag #KimOhNo a été créé à l’occasion.

De l’autre côté du spectre, on retrouve des célébrités comme Ami Suzuki. Les faits y sont moins tranchés : son image de “méchante” semble d’ailleurs avoir été imposée par les médias japonais. Elle a commencé sa carrière en tant qu’idol et n’a cessé d’être présentée comme la rivale de la chanteuse Ayumi Hamasaki. Elle s’est finalement retrouvée blacklistée de l’industrie musicale toute entière lorsqu’elle a porté plainte contre son agence afin de rompre son contrat. Le public l’a perçue comme une “méchante” qui se serait rebellée contre le système et contre les autres célébrités et n’a donc pas voulu écouter sa version et sa réalité de l’industrie musicale.

Certain·e·s semblent guetter avec impatience les moindres faux pas des célébrités afin de les catégoriser comme méchant·e·s.

En mettant de côté les intentions possibles des célébrités, ne sommes-nous pas en train de renforcer l’idée du “bien contre le mal” en accordant autant d’attention aux scandales ? Il existe forcément une raison pour laquelle Logan Paul a pu manquer de respect à différentes cultures au nom du divertissement. Et il existe forcément une raison pour laquelle les médias ont décidé de faire d’Ami Suzuki la méchante de l’histoire. Certain·e·s semblent guetter avec impatience les moindres faux pas des célébrités afin de les catégoriser comme méchant·e·s.

En faisant d’une personne un ou une méchante, on obtient automatiquement le rôle d’héros·ïne, d’autant plus si on a le soutien des masses. Cependant, dans des espaces repliés sur eux-mêmes comme les réseaux sociaux, même la voix la plus petite peut être décuplée et donner l’impression d’être la voix de tou·te·s. Est-ce vraiment notre responsabilité de forcer quelqu’un·e à “se racheter” pour quelque chose qu’on juge personnellement répréhensible, pour notre propre satisfaction ?

 

Image avec la permission de Tube Filter.

On admettra facilement que le comportement de Logan Paul sur internet le fait passer pour tout sauf une bonne et respectueuse personne. Logan Paul s’est excusé après avoir été sommé de répondre de ses actes et avoir été (temporairement) banni de Youtube. Il a depuis repris les vidéos. Après une longue pause, Ami Suzuki est revenue dans l’industrie du divertissement en 2003 avec son propre label indépendant Amity. Elle a cependant choisi de ne pas parler du traitement injuste dont elle a été victime. Kim Kardashian a changé le nom de sa ligne de vêtements en Skims et les critiques se sont tues peu après.

Toutes ces personnes célèbres ont subi les conséquences de leurs actes, mais ont opté pour différentes réponses. Et s’il est facile de les diaboliser, on a tendance à oublier qui tire réellement les ficelles derrière les polémiques et comment ces personnes influencent le discours des médias. Il ne fait aucun doute que certains scandales doivent être discutés, mais l’exemple d’Ami Suzuki montre que voir le monde sous le spectre du bien et du mal finit souvent par créer une fausse réalité.

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Si nous faisons toutes et tous des erreurs, ne devrions-nous pas être jugés équitablement ? Se prendre au jeu de la bien-pensance dans le but d’exercer une once de pouvoir sur une célébrité est un comportement à revoir. S’il est vrai que Logan Paul a dépassé une limite qui n’aurait pas dû être franchie au nom du divertissement et que Kim Kardashian s’est appropriée une culture qui n’est pas la sienne, nous ne connaîtrons vraisemblablement jamais les détails de ces histoires. Qui sommes-nous alors pour déterminer qui sont les méchant·e·s et qui sont les gentil·le·s ?

 

Écrit par Stefanie, traduit par Lola.
Image présentée avec la permission de Arama Japan.

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